Alcide (1895-1972) a vécu toute sa vie sur un même morceau de terre bordée par les eaux du marais. Il s’est certainement enferré dans le silence pour qu’il ne reste plus rien de lui aujourd’hui. Plus rien de lui si ce n’est quelques bribes, quelques anecdotes qui assiègent l’esprit de son petit neveu (1972-2044), qui ne l’aura jamais connu, hanté par les mêmes paysages — tandis qu’Amarkande (2028-55), l’enfant adopté, cousin par défaut, descendant qui a pris un autre escalier, héritera de tout ça, territoire et histoire, lui, né aux confins de l’Inde, assailli par tous ces fantômes qu’il ne voit pas.
Trois membres d’une même famille, trois «chefs de l’eau» (Le Chef de l’eau est un lieu-dit qui faillit donner son nom à cet ouvrage), qui auront en commun de ne pas donner naissance à une descendance, fourche d’une lignée sans issue, finie.
Le Potoroze est une histoire de territoire. Un territoire qui surplombe les existences de personnes qui se relaient pour le traverser et l’habiter, qui jamais ne lui échappent. Ce jeu de transmissions qui dessinent une carte du sensible, avec des sentiments mal ajustés, des éternels cabossés, des accents poétiques appuyés.